Un peu de paix

     Parmi toutes les questions qui tournent sans arrêt dans ma tête, il en est une qui me revient de plus en plus souvent ces derniers temps. Pourquoi plus je tente de m'intégrer dans cette société humaine, et moins j'arrive à la comprendre et à en saisir le sens ? Quelques heures avant la rédaction de ces lignes, j'étais en train de manger, avec une poignée de personnes du milieu professionnel. Quand, d'un coup, l'humain face à moi renversa son verre d'eau. J'eus naturellement le réflexe de saisir ma serviette en papier afin de l'aider à éponger, avant même qu'il n'eût le temps de réaliser sa légère gaffe. La tablée commença à me regarder en riant doucement. Le propriétaire du verre lança même un "Et bien, heureusement qu'on a une p'tite femme ménagère pour nettoyer tout ça !". Honteusement, je cessa mon geste et reposa ma serviette imbibée de liquide dans mon plateau. Les rires et les regards s'intensifièrent.

      Que se passe-t-il ? Ai-je fait quelque chose de déplacé ? Est-ce mal vu d'aider une personne à rattraper une bêtise ? Pourquoi rient-ils tous ? Pourquoi me regardent-ils  ? Ai-je loupé quelque chose ? Pourquoi la personne a-t-elle fait cette remarque ? Pourquoi les humains font-ils tant de différences entre eux-même ? Pourquoi ai-je l'impression qu'ils se moquent à chacun de mes mouvements ? Pourquoi sont-ce uniquement mes erreurs et mes faux pas qui sont relevés et pointés du doigt ? Pourquoi semblent-il me voir comme un clown ? Pourquoi est-ce à moi d'enfiler ce costume ? Pourquoi ai-je tant envie de hurler et de partir loin ? Pourquoi suis-je si mal dans ce monde ?

      Alors, les mains mouillées et la tête basse, j'ai une fois de plus enfilé ce joli masque aux traits impassibles. Aucune émotion sur mon visage, un énième moyen inefficace de montrer que cette situation ne m'est pas des plus confortables. Alors je tourne la tête et fixe un horizon aussi paisible qu’irréel, construit de toutes pièces par mon esprit, en m'imaginant être ailleurs, loin de cette humanité étouffante, et je laisse mes pensées partir au gré de mes souvenirs, de ces fragrances de jours meilleurs. Assis au cœur d'un tourbillon informe de couleurs, de voix, d'odeurs, de sensations et d'émotions, je reste là, à contempler cet infini mouvement de chaos et de douceur, me laissant bercer par l'herbe sous mes pieds et la pluie fine sur mon visage couplée à un doux rayon de soleil. Un minuscule havre de paix dans l’œil du plus violent des cyclones.


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